novembre 22, 2017

Maria Goeth (Allemagne, 2009- aujourd’hui)

De Novembre 2010 à Mars 2011, j’ai travaillé en tant que volontaire au sein de Tubahumurize. Ce fut l’une des expériences des plus intenses.

J’ai été touchée par le Rwanda pour la première fois lorsque j’avais 13 ans. J’ai à cette époque vu un reportage télévisé à propos des enfants soldats durant le génocide 1994. Je n’arrivais pas à croire que des enfants de mon âge soient forcés d’attaquer et du tuer d’autres personnes. Je n’ai jamais pu oublier ces images. En 2001, j’ai été profondément émue par des clichés en noir et blanc du photographe de guerre James Nachtwey. Là encore il s’agissait du Rwanda!

J’ai décidé en 2010, à l’âge de 29 ans, de prendre une année sabatique avant de retourner à l’université terminer mon doctorat en musicologie. En cherchant des opportunités de volontariat en Asie ou en Afrique, j’ai découvert Tubahumurize. Alors j’ai su. C’était là où je devais aller.

En faisant ma valise pour Kigali, je ne savais pas à quoi m’attendre. Etant donné que Tubahumurize est une petite association, le rôle des bénévoles n’était pas si clair (à l’époque). On m’avait dit; « apporte quelque chose, partage tes compétences ». J’ai alors compris pourquoi les volontaires de plus de 25 ans étaient appréciés.

J’avais prévu de monter une chorale avec les bénéficiaires et la moitié de ma valise était remplie de partitions. Cependant que je suis arrivée, j’ai vu que la dernière chose dont elles avaient besoin était la musique; elles dansaient et chantaient tous les jours!

J’ai alors réfléchi à d’autres moyens d’aider. Je sais utiliser un ordinateur et comme je suis allemande, j’ai un sens de l’organisation et de la structure irréprochable! Ainsi, j’ai aidé à restructurer, archiver et simplifier l’administratif de l’association. J’ai créé de nouvelles brochure et participé à la recherche de fonds. J’ai retravaillé le site internet et aidé à traduire en français, anglais et allemand.

J’ai aussi réfléchi à de nouveaux moyens d’améliorer la vente et la production de la coopérative de couture. Qu’est-ce qui plait aux Européens? Quelles tailles sont les plus répandues pour les sacoches d’ordinateurs, les draps de lit ou les nappes? Durant mon séjour, nous avons varié la production. J’ai essayé d’accroître le marché de nos produits; nous avons initié une coopération avec les magasins de souvenirs des hôtels de Kigali, prévu des exportations vers l’Allemagne et plus encore.

Au cours de mon séjour, je suis devenu la petite fille de ma nouvelle famille africaine! J’ai été accueillie si chaleureusement dès le départ que je me suis immédiatement sentie chez moi. Jeanne, la fondatrice et leader de Tubahumurize est l’une des femmes les plus impressionnantes que j’ai rencontré. Au vu de mon amour pour l’écriture, j’espère pouvoir un jour écrire l’histoire de sa vie. Ce récit irait bien au-delà ce court écrit. J’ai aussi été profondément étonnée et touchée par la générosité des autres femmes et des filles. Bien que la majorité ne parle que Kinyarwanda, nous parvenions à nous comprendre au-delà de la barrière de la langue.

Elles m’ont même invitée à participer à leur session de soutien et m’ont considérée non pas comme une intrus vivant dans un monde idyllique mais bien comme quelqu’un avec qui elles voulaient partager leurs expériences, leur histoire et leur chagrin. Une des femmes m’a une fois dit « merci » après une séance. Je lui ai répondu « pourquoi tu me remercies? C’est moi qui doit vous remercier de m’accepter, de me laisser écouter vos histoires des plus intimes, merci de me faire confiance ». Elle m’a alors dit: « non, c’est moi qui te remercie d’avoir voyagé jusque ici depuis l’Allemagne pour écouter nos histoires. Ainsi, j’ai l’impression que nous n’avons pas été oubliées, que quelqu’un se soucie de nous et veut nous aider. J’ai l’impression que nous avons de la valeur aux yeux de quelqu’un. ». Ces mots m’ont beaucoup émue.

Je ne me suis pas rendue au Rwanda sans préparation préalable. J’ai lu tout ce que je pouvais, en particulier à propos du génocide afin de me préparer. A mon arrivée, je me doutais que j’allais entendre des histoires incroyablement cruelles et terrifiantes, j’avais tout lu quant aux méthodes de torture ou d’assassinat employées. Mais c’est tout à fait différent d’être sur place, d’écouter les histoires de ces femmes les yeux dans les yeux. Cette personne a sans doute vécu des choses inimaginables et c’est à se demander comment elle trouve l’énergie et la force de continuer, de ne pas abandonner. C’est sans doute pourquoi « intense » est l’adjectif le plus approprié pour décrire mon expérience.

Vous entendrez des histoires qui vous briseront le cœur et vous serreront la gorge et vous donneront des cauchemars -supposé que vous puisiez dormir. Mais vous verrez aussi à quel point ces femmes sont belles, admirables et fortes et comment elles supportent leur passé. Elles font de leur mieux pour à la fois ne pas oublier et continuer à vivre, le regard porté sur le futur. C’est l’un des plus beaux cadeaux que d’avoir la chance de partager cette énergie, cet optimisme. Je n’oublierai jamais le bien que ces femmes m’ont fait et j’espère être capable de leur rendre la pareille.

Je n’avais pas prévu de continuer l’aventure en Allemagne. Mais j’ai été tellement impressionnée, convaincue et touchée par le travail produit à Tubahumurize que j’ai fondé ma propre association « Ruandahilfe e.V » de retour en Allemagne. Ruandahilfe e.Vsoutient Tubahumurize et compte 26 membres actifs (Mai 2015).

Je suis heureuse et fière de la diffusion de Tubahumurize partout dans le monde (des partenaires sont basés au Canada et aux Etats-Unis), et de sa force pour unir autour de l’idée d’émancipation sociale et économique des personnes marginalisées, indépendamment des questions de frontières, d’âge ou de religion. Tubahumurize promeut la paix, le respect et la liberté.

Je nourris l’espoir que Tubahumurize et Ruandahilfe e.V grandissent et prospèrent pour inspirer encore plus de personnes et les encouragent à rejoindre le mouvement pour partager ces idées de liberté, de soutien, d’amitié et de paix.